Pourquoi la réconciliation ne saurait être un décret mais un processus?

Article : Pourquoi la réconciliation ne saurait être un décret mais un processus?
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27 novembre 2013

Pourquoi la réconciliation ne saurait être un décret mais un processus?

crédit image: rnv.nl
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Dans mes idées de produire un article sur la paix, l’idée m’est venu de laisser parler un de mes lecteurs sur la question! En fait, il n’est pas simplement un lecteur fidèle de ce blog, mais avant tout un compatriote, un frère et un ami, que je nomme Malick. Ici il nous propose sa réflexion sur la réconciliation comme processus puis un regard sur le service militaire comme moyen intéressant de faciliter les relations civile-militaires . Bonne lecture à vous et coucou spécial à Malick pour sa contribution…

« Depuis les indépendances, le continent africain est entré dans une interminable spirale de conflits armés qui ont décimé des millions de vies. Il y a eu certes des conflits inter-états pour le control de territoires convoités et de zones frontalières (Maroc/Sahara Occidental ; Libye/Tchad) ; mais en majorité,  les conflits armés en Afrique ont été des guerres civiles à caractère sécessionniste (Casamance au Sénégal, Biafra au Nigeria, Katanga au Congo, Azawad au Mali…) ; et aussi des guerres de conquête de pouvoir par des groupes rebelles (Angola, Libéria, sierra Léone, Congo-Brazza, Congo-Kinshasa, Côte D’Ivoire…). Le génocide rwandais de 1994 (800.000 morts en 100 jours) ne saurait même être classé dans toutes ces catégories. Cependant, un des dénominateurs communs de toutes ces guerres « intra-états », c’est que chacune a opposé des citoyens d’une même nation, des compatriotes, des voisins. Lendu contre Hema en RDC. Hutu contre Tutsi au Rwanda. Dioula contre Bété en Côte d’Ivoire…etc.

Aujourd’hui, la plupart de ces belligérances ont certes connu une relative accalmie, mais sommes-nous sortis de l’auberge ? Sommes-nous à l’abri d’une éventuelle récidive ? Qui sait ?… dans 20 ans, 40 ans, 50 ans ?… (considérant le fait que le génocide rwandais de 94 était le troisième du genre dans l’histoire de ce pays). Le Rwanda est-il réconcilié ? La cote d’Ivoire est-elle réconciliée ?    Nos nations sont-elles intégrées ? Nos peuples se reconnaissent-ils dans nos Forces Armées ? Avons-nous pardonné ? Avons-nous oublié ?…   

Ma réponse à moi est « non ! »

Pardonner, certes, il le faut. Mais oublier, non, loin s’en faut. « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le revivre » disait le philosophe espagnol Georges Santayana.  

Réconcilier des peuples voisins qui se sont entretués à grande échelle est un processus qui prend beaucoup de temps. Et ce ne sont ni les gouvernements d’Union nationale, ni les Commissions Vérité-Réconciliation, ni les cérémonies de libations, ni les rituels d’incinération d’armes qui précipiteront l’intégration nationale. Les experts en psychiatrie transculturelle distinguent au moins six étapes dans la progression d’une situation de conflit ethnique à un état d’intégration ethnique[1].

Le Conflit est caractérisé, évidemment, par la haine, l’hostilité ouverte et le désir ardent d’exterminer autrui. A la fin du conflit vient, la Coexistence : un calme précaire. Une haine muette chargée de ressentiments où l’on est prêt à reprendre la guerre, à tout moment. Ensuite, vient la Collaboration : ici, il y a toujours méfiance et ambivalence, mais la guerre n’est plus une option désirable. Puis, vient l’étape de la Coopération ; et je parle là d’une coopération réellement bilatérale, pas du diktat que nous impose l’Occident. Ici, on fait affaires. Une guerre serait vraiment regrettable. On reste prudent – comme dans toute situation d’affaires – mais on éprouve une réelle sympathie pour l’autre. Vient maintenant l’Interdépendance : nous sommes différents, mais nous avons besoin les uns des autres pour mieux vivre. Nous acceptons notre tumultueux passé lointain, mais nous le laissons là où il est : dans le passé. Nous nous faisons modérément confiance. C’est alors qu’advient l’Intégration : We are One !

crédit photo: google
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La réconciliation ne se décrète pas. Elle advient étape par étape. Comme une plaie qui guérit, elle prend du temps.

Cependant, l’on peut – l’on devrait ! – s’entourer des meilleures conditions et des institutions pouvant favoriser cette intégration. Il va sans dire que la classe gouvernante devrait être dotée d’une sérieuse volonté politique d’unifier le peuple (Le malheur chez nous, c’est que bien souvent, les gouvernants sont à la fois juges et parties). Des gouvernements forts et des institutions fortes (Justice, police, Armée notamment) sont nécessaires pour atténuer et dissuader les élans guerroyeurs de nos peuples.

Le service militaire obligatoire, un moyen de réconcilier l’armée et le peuple!

Et si un gouvernement veut réellement réconcilier son peuple et son armée, quoi de plus simple : Faites du peuple et de l’Armée une seule et même entité. Fusionnez-les ! Cela s’appelle le service militaire obligatoire. Cette formule naturelle a fait ses preuves depuis les temps bibliques jusqu’à nos jours. De tous les temps, le peuple a toujours été l’intarissable réservoir duquel on puise les ressources humaines de l’Armée. Il est inconcevable qu’on en soit arrivé à une situation où ce même peuple devienne la victime de l’Armée. Pour éviter cet état de fait, le service militaire obligatoire me semble être le meilleur remède. Les nations où ce service a été instauré sont des nations intégrées, ou du moins qui ont développé le long des années, une forte conscience nationale : Israël, USA, France… Certes, en France et aux USA, la conscription et le draft ont été abolis, mais ils ont déjà fait  leurs impacts positifs sur ces nations.

Mettez tous les jeunes gens de 18 ans d’une même nation dans un dur programme annuel d’éducation civique, morale, spirituelle et physique. Inculquez-leur toutes les bonnes valeurs chères à votre nation. Et à la fin, donnez-leur l’option de se faire enrôler dans l’Armée régulière ou de retourner à leur vie civile avec la possibilité d’être rappeler en cas de besoin.  En l’espace d’une génération vous aurez un peuple intégré, une nation épurée du virus de l’épuration ethnique. »

  

    



[1] Carlos E. Sluzki (2003): The pathway toward coexistence. Chayes and M. Minow, Eds.:

Imagine Coexistence: Restoring Humanity after Violent Ethnic Conflict. San Francisco, Jossey-Bass.

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Commentaires

Fidèle B.
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No comment, j'aime!

Nora
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salut Fidèle! Ravie de te lire par ici! Merci pour ton passage sur Noriflex! Comme promis tu auras mes futurs articles au cours de cette semaine! Bien de chose à toi